Friedrich Hölderlin
                                    RETOUR AU PAYS
                                                                                aux parents

I

Là-dedans dans les Alpes, c’est nuit claire encore, et le nuage,
     Du joyeux le poème, il couvre au-dedans la vallée béante.
De-ci, de-là, gronde et renverse le souffle facétieux des cimes,
     Abrupt, à travers les pins, vers le bas scintille et s’évanouit un rayon.
Lentement se presse et lutte le Chaos frissonnant joyeusement,
     Jeune d’allure, mais fort, il fête la querelle amoureuse
Parmi les roches, il fermente et titube dans les éternelles limites,
     Car plus bachique s’étire au-dedans le matin qui se lève.
Car elle s’accroît là-bas plus infiniment, l’année, et les saintes
     Heures, les jours, ils sont plus audacieusement ordonnés, mêlés.
Car encore marque le temps l’oiseau de tempête, et entre
     Les cimes, haut dans l’air, séjourne-t-il et appelle le jour.
À l’instant aussi s’éveille et regarde là dans les profondeurs le village
     Sans crainte, familier des hauteurs, sous les pics s’élevant.
Pressentant la croissance, car déjà, tel l’éclair, versent les antiques
     Sources, le sol sous les cataractes fume,
L’écho résonne alentour, et l’immense atelier
     Active jour et nuit, dispensant les dons, le bras.

II

Paisibles scintillent alors les hauteurs argentées par-dessus,
     Emplie de roses est déjà, là-haut, la neige lumineuse.
Et encore plus haut s’élevant habite au-dessus de la lumière le pur
     Dieu bienheureux réjoui par le jeu des rayons sacrés.
Calme habite-t-il seul, et claire apparaît sa face,
     L’azuréen paraît enclin à donner la vie,
À créer la joie, avec nous, comme souvent, quand, au fait de la mesure,
     Au fait des respirants aussi, hésitant et indulgent, le dieu,
C’est un bonheur bienvenu aux villes et aux foyers, et les douces
     Pluies, pour ouvrir le pays, les nuages couvants, et vous,
Souffles très familiers ensuite, vous, tendre printemps, qu’il dispense,
     Et d’une main légère réjouissant de nouveau les affligés,
Quand il rénove les temps, le créatif, les calmes
     Cœurs des humains vieillissants qu’il rafraîchit et ressaisit,
Et là-bas dans les profondeurs il œuvre, et ouvre et éclaircit,
     Comme il aime, et à l’instant de nouveau une vie commence,
La grâce fleurit, comme jadis, et vient l’esprit présent,
     Et un joyeux courage de nouveau soulève les ailes.

III

Beaucoup lui ai-je parlé, car, ce qu’aussi les poètes songent
     Ou chantent, cela s’adresse surtout aux anges et à lui ;
Beaucoup ai-je prié, pour l’amour de la patrie, de peur
     Qu’un jour, importun, soudain nous atteigne l’esprit ;
Beaucoup pour vous aussi, qui dans la patrie êtes soucieux,
     À qui la sainte gratitude en souriant ramène les fugitifs,
Gens du pays ! pour vous, néanmoins me berçait le lac,
     Et le rameur s’asseyait paisiblement et louait la traversée.
Loin dans le plain du lac était une la houle de joie
     Sous les voiles, et à l’instant fleurit et s’éclaire la ville
Là-bas dans l’aube, depuis les Alpes ombreuses
     Bien piloté vient et repose maintenant au port le bateau.
Chaude est la rive ici, et les vallées amicalement ouvertes,
     Joliment éclairées par les sentiers, verdoient et brillent pour moi.
Les jardins se tiennent assemblés et les bourgeons scintillants s’ouvrent déjà,
     Et le chant de l’oiseau y invite l’émigrant.
Tout semble familier, le salut échangé au passage aussi
     Semble venir d’amis, chaque visage semble apparenté.

IV

Certes oui ! c’est le pays natal, le sol de chez nous,
     Ce que tu cherches, il est proche, te rencontre déjà.
Et non sans raison se tient tel un fils, là où ceinte d’une houle murmurante
     Est l’entrée, et voit et cherche pour toi des noms aimants,
Avec le chant, un homme migrateur, bienheureuse Lindau !
     Une des portes accueillantes du pays est-elle,
Provoquant à aller au dehors par les lointains pleins de promesses,
     Là-bas, où sont les merveilles, là-bas, où le fauve divin
Des hauteurs descend dans la plaine, le Rhin qui se fraie une voie audacieuse
     Et tire des rochers la vallée exultante,
Là-dedans, à travers le clair massif, émigrant vers Côme,
     Ou descendant, comme le jour émigre, par le lac ouvert ;
Mais plus provoquante es-tu pour moi, porte consacrée !
     À aller chez nous, où me sont connus les chemins fleuris,
À visiter là-bas le pays et les belles vallées du Neckar,
     Et les forêts, le vert des arbres sacrés, où volontiers
Le chêne s’assemble avec les calmes bouleaux et les hêtres,
     Et dans les monts un lieu amicalement me retient captif.

V

Là-bas me reçoivent-ils. Ô voix de la cité, de la mère !
     Ô tu atteins, tu remues en moi de l’appris dès longtemps !
Pourtant sont-ils encore ! encore fleurissent le soleil et la joie pour vous
     Ô bien-aimés ! et presque plus clairs dans les yeux qu’autrefois.
Oui ! l’ancien est-il encore ! Il pousse et mûrit, cependant rien,
     De ce qui vit et aime là, ne laisse la fidélité à l’abandon.
Mais le meilleur, l’objet trouvé, qui sous l’arche sacrée
     De la paix repose, il est réservé aux jeunes et aux anciens.
Follement ai-je parlé. C’est la joie. Pourtant demain et désormais,
     Quand nous irons et regarderons dehors le champ vivant
Sous les fleurs de l’arbre, aux jours de fête du printemps,
     Je parlerai et espérerai beaucoup avec vous, mes amis ! de cela.
Beaucoup ai-je entendu du Père suprême, et j’ai
     Longtemps gardé le silence sur lui qui rafraîchit le temps migrateur
Là-haut dans les sommets, et règne sur les massifs,
     Qui nous accordera bientôt les dons célestes et appellera
Un chant plus clair et enverra beaucoup d’esprits bienfaisants. Ô, ne tardez pas !
     Venez, vous qui maintenez ! Anges de l’année ! et vous

VI

Anges du foyer, venez ! qu’entre toutes les artères de la vie,
     Toutes en joie à la fois, se partage le céleste !
Ennoblisse ! rajeunisse ! de peur que le bonheur humain, de peur
     Qu’une heure du jour sans les Heureux, et de même
Cette joie, comme à l’instant, quand les amants de nouveau se trouvent,
     Comme il l’entend, ne soient convenablement sanctifiés.
Quand nous bénissons le repas, qui m’est il permis de nommer, et quand nous
     Nous reposons de l’animation du jour, dites, comment exprimerai-je la gratitude ?
Nommerai-je le Très-Haut pour autant ? l’inconvenant, un dieu ne l’aime pas,
     Pour le saisir est presque trop petite notre joie.
Silencieux devons-nous être souvent ; il manque les noms sacrés,
     Les cœurs battent et pourtant demeure la parole à l’abandon ?
Mais un luth prête à chaque heure la tonalité,
     Et réjouit peut-être les Célestes, lesquels s’approchent.
Cela prépare et ainsi est de même le souci presque
     Déjà apaisé, qui vint sous le joyeux.
Des soucis, tels ceux-là, doit, volontiers ou non, en l’âme
     Les supporter un poète et souvent, mais les autres non.
 

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