Friedrich Hölderlin   passage                                                                                    traduction proposée par Patrick Guillot
 
 
DIE WANDERUNG
                                        LA MIGRATION

 

 
 
 

Glückselig Suevien, meine Mutter,
    Bienheureuse Suévie, ma mère,
Auch du, der glänzenderen, der Schwester
    Toi aussi, à la plus brillante, à la sœur
Lombarda drüben gleich,
    Lombardie de l’autre côté, semblable,
Von hundert Bächen durchflossen !
    Par cent ruisseaux irriguée !
Und Bäume genug, weißblühend und rötlich,
    Et des arbres en suffisance, en blanche floraison et rougeâtres,
Und dunklere, wild, tiefgrünenden Laubs voll,
    Et de plus obscurs, sauvages, pleins d’un feuillage au vert profond,
Und Alpengebirg, der Schweiz auch überschattet
    Et le massif des Alpes de la Suisse ombragent aussi
Benachbartes dich ; denn nah dem Herde des Hauses
    Ta voisine ; car proche du foyer des maisons
Wohnst du, und hörst, wie drinnen
    Habites-tu, et écoutes comment là-dedans
Aus silbernen Opferschalen
    Hors des ciboires argentés
Der Quell rauscht, ausgeschüttet
    Bruit la source déversée
Von reinen Händen, wenn berührt
    Par des mains pures, quand effleurée

Von warmen Strahlen
    Par les chauds rayons
Kristallenes Eis und umgestürtzt
    La glace cristalline et renversées
Vom leichtanregenden Lichte
    Par le léger attouchement de la lumière
Der schneeige Gipfel übergießt die Erde
    Les cimes neigeuses arrosent la terre
Mit reinestem Wasser. Darum ist
    De l’eau la plus pure. C’est pourquoi t’est
Dir angeboren die Treue. Schwer verläßt,
    Innée la fidélité. Dur de délaisser
Was nahe dem Ursprung wohnet, den Ort.
    Ce qui habite proche de l’origine, ce lieu.
Und deine Kinder, die Städte,
    Et tes filles, les villes,
Am weithindämmernden See,
    Auprès du lac qu’on voit poindre tout au loin,
An Neckars Weiden, am Rheine,
    Aux pâturages du Neckar, près du Rhin,
Sie alle meinen, es wäre
    Elles toutes le pensent, il n’était
Sonst nirgend besser zu wohnen.
    Nulle part de meilleur endroit où habiter.

Ich aber will dem Kaukasos zu !
    Je veux pourtant aller vers le Caucase !
Denn sagen hört ich
    Car, ai-je entendu dire
Noch heut in den Lüften :
    Encore aujourd’hui dans les brises :
Frei sei’n, wie Schwalben, die Dichter.
    Libres sont-ils, comme les hirondelles, les poètes.
Auch hat mir ohnedies
    Mais c’est aussi, quelqu’un me l’a
In jüngeren Tagen vertraut,
    Confié en mes jeunes années,
Es seien vor alter Zeit
    Qu’ils furent dans les temps anciens
Die Eltern einst, das deutsche Geschlecht,
    Une fois, les ancêtres, la race allemande,
Still fortgezogen von Wellen der Donau,
    Tranquillement entraînés par les flots du Danube,
Am Sommertage, da diese
    Aux jours d’été, comme ceux-ci
Sich Schatten suchten, zusammen
    Se cherchaient un ombrage, ensemble
Mit Kindern der Sonn
    Avec les fils du soleil
Am schwarzen Meere gekommen ;
    Venus au bord de la Mer Noire ;
Und nicht umsonst sei dies
    Et ce n’est pas en vain que celle-ci
Das gastfreundliche genennet.
    Fut dite hospitalière.

Denn, als sie erst sicht angesehen,
    Car, alors qu’ils s’étaient seulement considérés,
Da nahten die Anderen erst ; dann stazten auch
    Là seulement s’approchèrent les autres ; puis vinrent s’asseoir aussi
Die Unseren sich neugierig unter den Ölbaum.
    Les nôtres, curieux, sous les oliviers.
Doch als sich ihre Gewande berührt,
    Cependant, alors que s’effleuraient leurs vêtements,
Und keiner vernehmen konnte
    Et que nul ne pouvait comprendre
Die eigene Rede des andern, wäre wohl
    Le propre langage de l’autre, se serait bien
Enstanden ein Zwist, wenn nicht aus Zweigen herunter
    Élevée une querelle, si du haut des branches
Gekommen wäre die Kühlung,
    N’était venue la fraîcheur,
Die Lächeln über das Angesicht
    Le sourire, sur le visage
Der Streitenden öfters breitet, und ein Weile
    Des combattants, souvent élargi, et un moment
Sahn still sie auf, dann reichten sie sich
    Levèrent-ils tranquillement les yeux, puis ils se tendirent
Die Hände liebend einander. Und bald
    Des mains aimantes les uns aux autres. Et bientôt

Vertauschten sie Waffen und all
    Échangèrent-ils les armes et tous
Die lieben Güter des Hauses,
    Les chers biens de la maison,
Vertauschten das Wort auch und es wünschten
    Échangèrent aussi la parole et firent des vœux
Die freundlichen Väters umsonst nichts
    Les pères bienveillants, non en vain,
Beim Hochzeitjubel den Kindern.
    Dans la joie des noces, pour les enfants.
Denn aus den heiligvermählten
    Car de ces unions consacrées
Wuchs schöner, denn Alles,
    Naquit, plus belle que tout
Was vor und nach
    Ce qui avant et depuis
Von Menschen sich nannt, ein Geschlecht auf. Wo,
    S’est donné le nom d’homme, une race ici. Où,
Wo aber wohnt ihr, liebe Verwandten,
    Où habitez-vous pourtant, chère parenté,
Daß wir das Bündnis wiederbegehn
    Que nous puissions reconduire l’alliance
Und der teuern Ahnen gedenken ?
    Et songer aux aïeux bien-aimés ?

Dort an den Ufern, unter den Bäumen
    Là-bas sur les rivages, sous les arbres
Ionias, in Ebenen des Kaysters,
    De l’Ionie, dans les plaines du Kaïstre,
Wo Kraniche, des Aethers froh,
    Où les grues, réjouies par l’azur,
Umschlossen sind von fernhindämmernden Bergen,
    Sont entourées par les monts que l’on voit poindre dans le lointain,
Dort wart auch ihr, ihr Schönsten ! oder pflegtet
    Là-bas fûtes-vous aussi, vous les plus beaux ! ou cultivant
Der Inseln, die mit Wein bekränzt,
    Les Iles que couronnent les vignes,
Voll tönten von Gesang ; noch andere wohnten
    Toutes sonores de chants ; d’autres encore habitèrent
Am Tayget, am vielgepriesnen Hymettos,
    Au Taygète, à l’Hymette tant vantée
Die blühten zuletzt ; doch von
    Qui fleurit la dernière ; cependant,
Parnassos Quell bis zu des Tmolos
    De la source du Parnasse jusqu’aux ruisseaux
Goldglänzenden Bächen erklang
    Rutilant d’or du Tmolos retentit
Ein ewiges Lied ; so rauschten
    Une éternelle mélodie ; ainsi bruissent
Damals die Wälder und all
    Comme alors les forêts sacrées et toutes
Die Saitenspiele zusamt
    Les lyres ensemble
Von himmlischer Milde gerühret.
    Émues par la céleste douceur.

O Land des Homer !
    Ô pays d’Homère !
Am purpuren Kirschbaum oder wenn
    Sous le cerisier pourpre ou quand,
Von dir gesandt im Weinberg mir
    Apportées par toi dans les vignobles, pour moi
Die jungen Pfirsiche grünen,
    Verdissent les jeunes pêches,
Und die Schwalbe fernher kommt und vieles erzählend
    Et que l’hirondelle vient de loin et en babillant
An meinen Wänden ihr Haus baut, in
    Contre mon mur bâtit son nid, dans
Den Tagen des Mais, auch unter den Sternen
    Les jours de mai, sous les étoiles aussi
Gedenk ich, o Ionia, dein ! doch Menschen
    Je songe, ô Ionie, à toi ! cependant les hommes
Ist Gegenwärtiges lieb. Drum bin ich
    Aiment ce qui est le présent. C’est pourquoi suis-je
Gekommen, euch, ihr Inseln, zu sehn, und euch,
    Revenu, ô les Iles, pour vous voir, et vous,
Ihr Mündungen der Ströme, o ihr Hallen der Thetis,
    Ô embouchures des fleuves, ô vous palais de Thétis,
Ihr Wälder, euch, und euch, ihr Wolken des Ida !
    Ô forêts, vous, et vous, ô nuages de l’Ida !

Doch nicht zu bleiben gedenk ich.
    Cependant je ne songe pas à demeurer.
Unfreundlich ist und schwer zu gewinnen
    Inamicale est-elle, et dure à gagner,
Die Verschlossene, der ich entkommen, die Mutter.
    La Taciturne, celle que je quittai, la Mère.
Von ihren Söhnen einer, der Rhein,
    Un de ses fils, le Rhin,
Mit Gewalt wollt er ans Herz ihr stürzen und schwand
    Par force voulut contre son cœur se précipiter, et disparut
Der Zurückgestoßene, niemand weiß, wohin, in die Ferne.
    Le Relégué, nul ne sait où, dans le lointain.
Doch so nicht wünscht ich gegangen zu sein,
    Cependant, je ne souhaite pas être parti ainsi
Von ihr, und nur, euch einzuladen,
    De chez elle, et seulement pour vous convier
Bin ich zu euch, ihr Grazien Griechenlands,
    Suis-je vers vous, ô Grâces du pays des Grecs,
Ihr Himmelstöchter, gegangen,
    Ô Filles du ciel, parti,
Daß, wenn die Reise zu weit nicht ist,
    Afin, si le voyage n’est pas trop long,
Zu uns ihr kommet, ihr Holden !
    Que vous veniez à nous, ô Favorables !

Wenn milder atmen die Lüfte,
    Si plus doucement soufflent les airs,
Und liebende Pfeile der Morgen
    Et que les flèches amoureuses du matin
Uns Allzugedultigen schickt,
    À nous trop patients sont destinées,
Und leichte Gewölke blühn
    Et que les nuages légers fleurissent
Uns über den schüchternen Augen,
    Pour nous au-dessus des yeux timides,
Dann werden wir sagen, wie kommt
    Dirons-nous alors : comment êtes-vous venues,
Ihr, Charitinnen, zu Wilden ?
    Charités, chez les Barbares ?
Die Dienerinnen des Himmels
    Mais les servantes du ciel
Sind aber wunderbar,
    Sont prodigieuses,
Wie alles Göttlichgeborne.
    Comme tous ceux de naissance divine.
Zum Traume wirds ihm, will es Einer
    En un rêve se changent-elles, quelqu’un veut-il
Beschleichen und straft den, der
    S’insinuer et les saisir, qui
Ihm gleichen will mit Gewalt ;
    Veut leur ressembler par force.
Oft überraschet es einen,
    Souvent, ça en surprend un
Der eben kaum es gedacht hat.
    Qui juste à peine y a songé.