commentaires : STUTTGART

STUTTGART     I
___________________________________________________
I - v1 : Wieder ein Glück ist erlebt
'l’Erlebnis' est l'expression effective et réelle
erleben peut signifier "voir", mais dans le sens de
"faire l’expérience de", "éprouver", "vivre" (vivre des jours de bonheur...).
                                     De nouveau un bonheur est vécu.
____________________________________________________
I -  v11 : Denn so ordnet das Herz es an, und zu atmen die Anmut,
Sie, die geschickliche, schenkt ihnen ein göttlicher Geist.

die Anmut ... schenkt ihnen ein göttlicher Geist
Il faut bien comprendre : "un esprit divin leur offre la grâce à respirer".
Peut prêter à confusion la construction "la grâce à respirer, ... leur offre un esprit divin.", qui décalque le parallélisme de l’inversion, schenkt ... ein Geist,... (cf.  ordnet das Herz : l’ordonne le cœur)
                             Car ainsi l’ordonne le cœur, et la grâce à respirer,
                                     Elle, la prédestinée, un esprit divin leur offre.
____________________________________________________
I - v17 : Und wie Wagen, bespannt mit freiem Wilde,

cf. ein Wagen mit Pferden bespannen : "atteler des chevaux à une voiture".
freiem Wilde est un neutre singulier, et, en principe, ne peut signifier "fauves indomptés",
Wild (neutre) : signifie "gibier", "bête", (et  Wildheit : "sauvagerie")
J’use à plusieurs reprises du mot "fauve" pour traduire Wild, sans évoquer là les seuls carnassiers.
cf. wildlebend Tiere : "animaux vivant en liberté, non domestiqué, ... indompté"

Und wie Wagen, bespannt mit freiem Wilde, so ziehn die
                                                    (cf. IV - v10 : die Furchen / Ziehet der Neckarstrom, ziehet den Segen herab)
            Et tels des chars attelés de fauves indomptés, ainsi tirent


STUTTGART     II

____________________________________________________
II  - v14 : Und den eigenen Sinn schmelzet, wie Perlen, der Wein.
Et que la sensibilité propre, telle une perle l’a dissoute le vin.

                                     Cf. in EMPEDOKLES :
                                            So schmelzt’ im Weine Perlen der Übermut / Der Königin ;
                                         Ainsi dissolvait dans le vin les perles l’effronterie / De la Reine ;
____________________________________________________
II  - v18 : der streitenden Männer
La traduction par "ennemis" ne serait pas adéquate,
cf. die streitenden Parteien : les parties adverses,
et der streitenden Männer : les hommes en rivalité, en conflit, les rivaux, les combattants ?

les âmes / Sauvages des adversaires

 


STUTTGART     III
____________________________________________________
III - v6 : Der mit Garten und Haus grün aus den Wellen sich hebt.

cf. sich heben : (géol.) Erdboden "se soulever"
C’est bien un "soulèvement " géologique qui est évoqué ici.
aus : "hors de, sortir de ..." ? ... sortant de l’onde (hors de l’onde) se soulève (?)
S’impose l’image de la roche qui, s’étant soulevée hors de l’onde, est maintenant "au-dessus",
et, les obscures nécessités du rythme étant ce qu’elles sont :
            la roche aussi / Qui, avec le jardin et la maison, verte au-dessus de l’onde se soulève.

____________________________________________________
III - v9 : Dort begann und beginnt das Liebe Leben von neuem ;

l'allitération Liebe Leben ne peut avoir d'équivalent dans la traduction.
Liebe Leben peut-il signifier "une vie dans l’amour, passée à aimer", une vie d’amour ?
    Alors  :               Là commença et commencera la vie d’amour, à neuf ;
cf. la distinction entre von neuem ("à nouveau" : à neuf) et wieder ("de nouveau" : une nouvelle fois).
cf. l’écho (vers 12) avec Leiden der Liebe.

____________________________________________________
III - v12 : das Wort, das / Einst mir in himmlischer Kunst Leiden der Liebe geheilt.
Kunst : par un céleste artifice peut-il être tenté ? mais "artifice" est presque toujours péjoratif.
(l’allemand donne Kunstgriff pour dire plus particulièrement "l’artifice", mot que Hölderlin n’utilise pas.)
Leiden der Liebe : "l'amertume de l'amour" m'a été proposé...
Mais Leiden ne dit-il pas, tout de même, plus que l’amertume, la souffrance ?
et quelque chose de rythmé ne vient-il pas avec :
Einst mir in himmlischer Kunst Leiden der Liebe geheilt.
Un jour, par un art céleste, me sauva des souffrances de l’amour.

Mais l’écho entre das Liebe Leben (vers 9) et  Leiden der Liebe  peut être repris avec
la vie d’amour et du mal d’amour
                            la parole qui, / Un jour, par un art céleste, me sauva du mal d’amour.

____________________________________________________
III - v13 : Andres erwacht!
que représente le neutre Andres ? un autre amour ?
        Ne pas clarifier à toute force ce qui est obscur (et de ne pas obscurcir ce qui est clair...).

erwachten ne peut-il signifier ici plus particulièrement "se réveiller" ?

 


STUTTGART     IV
____________________________________________________
IV - v7 : Dort von den äußersten Bergen...
             [Dort / von den] Là-bas, des monts les plus extrêmes...
            Quellen rauschen von dort ...
          Des sources bruissent par là-bas [von dort] ...

von dort : c'est "de là-bas vient le bruissement des sources", mais je veux éviter à cet endroit la répétition de "venir",
(cent ruisseaux affairés / Parviennent...)
____________________________________________________
IV - v8 : Kommen bei Tag und Nacht nieder...

cf. : Kommen ... nieder : "dévalent"
Mais déja, au vers précédent, "dévaler (les collines)" traduit steigen (die Hügel) herab,
où cela me semble convenir, pour une certaine force de l’image,
kommen nieder pourrait sans doute être simplement traduit par "descendre" (venir en bas, c’est tout bonnement descendre...).
Mais ici, c'est le choix de décalquer la forme originale :
                    Kommen / bei Tag und Nacht / nieder
                  Parviennent / jour et nuit / jusqu’en bas
____________________________________________________
IV - v8 :... und hundert geschäftige Bäche, / ... bauen das Land.

Bauen : très difficile à traduire... cf. : le double sens : "bâtir", "cultiver".
"Fertiliser (un sol)", n’est-ce pas, au-delà de l’acte technique, en quelque sorte "bâtir" ce sol,
le tirer hors du chaos de la friche ou du terrain 'vague' ?
                          et cent ruisseaux affairés / ...  fertilisent le pays.

cf. LE RHIN strophe VI, v.8 et suivants :
                                     Und schön ists, wie er drauf, (...), wenn er das Land baut, / Der Vater Rhein,
____________________________________________________
IV - v9 : Aber der Meister pflügt die Mitte des Landes, die Furchen
 Ziehet der Neckarstrom, ziehet den Segen herab.

pflügen : "labourer", "sillonner, tracer des sillons dans..."
Furchen : "sillon"  Furchen ziehen : "tracer des sillons..."

on propose ici "tirer un sillon" (comme on dit "tirer un trait") pour la réplique "tirer / attirer"
                                                                            ziehet der Neckarstrom, ziehet den Segen herab

Mais le Maître, en labourant le centre du pays, (le fleuve Neckar en tirant ce sillon), attire la bénédiction ici-bas

Mais le Maître, creusant le centre du pays, le sillon
  Que tire le fleuve Neckar, attire la bénédiction ici-bas.

      Mais le Maître laboure le centre du pays, les sillons

             Les tire le fleuve Neckar, l’attire ici-bas, la bénédiction.


 STUTTGART     VI
____________________________________________________
VI - v2 :... vor denen das Auge, ... und das Knie bricht dem vereinzelten Mann,

brechen (bricht) : intransitif  "se rompre, se briser, se casser"
cf. au figuré sein Auge bricht : "il s'éteint" (il expire)
La difficulté tient à la liaison entre ce verbe unique et les deux sujets :
das Auge, ... und das Knie ... (dem vereinzelten Mann)
l'oeil, ... et le genou ... (de l’homme esseulé)
Cette difficulté peut-elle être tournée en faisant de l’homme esseulé un sujet, unique ? :
... devant lesquels baisse les yeux, aussi fort soit-il, et se rompt le genou l’homme esseulé,
ou en dédoublant le verbe ? :
devant lesquels l'oeil ... s'éteint et se rompt le genou de l’homme esseulé
ou ? :
devant lesquels le regard ... va plier et se rompre le genou de l’homme esseulé
ou en proposant le verbe unique qui peut sembler adéquat, "se dérober",
afin de tout à fait respecter la configuration rythmique de l'original ? :
          devant lesquels l’oeil /... et le genou se dérobent, de l’homme esseulé
____________________________________________________
VI -  v7 : laß uns eilen, zu feiern das Herbstfest
laß uns eilen : "hâtons-nous", conformément à l'usage idiomatique de lassen.
____________________________________________________
VI -  v8 :... voll ist des Herz, aber das Leben ist kurz,
pastiche de l'expression "Ars est longa, sed vita brevis" ?
Pour conserver l’allure 'verbe / sujet _ sujet / verbe' que Hölderlin donne à la sentence, on peut penser à :
"comblé est le cœur, mais la vie est brève "
mais préférer, pour l'euphonie :
            le cœur est comblé, mais brève est la vie,