BROT UND WEIN I
___________________________________________________
I
v1 : Rings um ruhet die Stadt
; still wird die erleuchtete Gasse,
Peut-on
traduire simplement par "À l’entour repose la ville" ?
mais
"à l’entour" conduit à entendre "repose" comme indication
spatiale : "poser là".
De
plus, la forme réfléchie "se calme" correspond au 'devenir
calme' de la rue (still wird)
et
"se
repose la ville / se calme la rue" fait entendre le parallèle
rythmique :
ruhet
die Stadt / still wird die ... Gasse
À l’entour se
repose la ville ; se calme la rue illuminée,
cf.
: zu ruhen die Menschen, "sont allés se reposer les
hommes,"
ruht der geschäftige Markt. "se repose le marché affairé."
___________________________________________________
I
v11 : Still in dämmriger Luft ertönen
geläutete Glocken,
dämmriger : "crépusculaire"
Calme
dans l’air assombri résonne
le carillon des cloches,
___________________________________________________
I
v14 : Sieh! und das Schattenbild unserer
Erde, der Mond, ...
Sans
doute, dans Schattenbild, trouve-t-on Schatten et Bild,
"une image d’ombre",
et
l’image que son ombre donne d’une chose est sa silhouette... Peut-on traduire
Schattenbild
par "silhouette" ?
Mais
un fantôme, le fantôme comme double, ne possède-t-il
pas son rayonnement propre, contrairement à une silhouette ?
Vois ! et le fantôme
de
notre terre, la lune, ...
___________________________________________________
I
v14 : Jetzt auch kommet ein Wehn ... der Mond,
kommet geheim nun auch ... die Nacht kommt,
On
a choisi de ne pas traduire littéralement la réitération
du verbe kommen.
On
ne dit d'un vent qu'il "vient" que si l'on peut ajouter d'où il
vient, et dire ici que la brise se "lève" s'accorde à l'irruption
de la Nuit.
Quand
la Lune "vient" dans le ciel visible, on la voit se "lever".
On
dit couramment de la nuit qu'elle "tombe", mais l'opposition était
ici incongrue entre la lune qui "se lève" et la nuit qui "tombe".
À
l’instant se lève
aussi une brise... la lune, aussi se lève
en secret à présent ... la nuit vient
___________________________________________________
I
v17 :
Un
problème de ponctuation :
est-ce
la nuit ou bien la lune qui est "bien peu soucieuse de nous" ?
"la
nuit emplie d’étoiles et bien peu soucieuse de
nous"
ou
"la
nuit vient emplie d’étoiles, et, bien peu soucieuse de
nous, la lune..."
___________________________________________________
II
v11 : Weil den Irrenden
sie geheiliget ist und den Toten,
J’ai
d’abord traduit Irrenden par "déments"... (Irrenhaus
: "asile d’aliénés")
irren,
c’est "errer", être "dans l’erreur" aussi bien que dans "l’errance".
En
définitive, désignant ceux dont l'esprit divaguent, aussi
bien que les voyageurs ayant perdu leur chemin,
"égarés"
est devenue pour moi la meilleure version :
Car aux égarés est-elle consacrée, et aux morts,
cf. stropheVII
v7
Mais
pourquoi ne pas dire : "Car elle est consacrée aux égarés
et aux morts" ?
La
construction est ici : 'sujet - complément 1- verbe - et complément
2'.
Elle
trouve d’ailleurs une autre illustration dans le vers précédent
de la même strophe II :
Ja, es ziemet sich, ihr Kränze zu weihn und Gesang,
Oui, pour l’honorer vos couronnes lui conviennent, et les chants,
mais
aussi dans la première strophe :
Dort ein Liebendes spielt oder ein einsamer Mann
Ferner Freunde gedenkt und der Jugendzeit ;
Là-bas joue un amant, ou un homme solitaire
D’amis lointains se souvenant, et de la jeunesse ;
Dans
la construction choisie par Hölderlin, j’entends la parole épousant
les mouvements de la conscience :
en
quelque sorte comme une "retransmission en direct" de la façon dont
les réalités extérieures se manifestent.
___________________________________________________
II
v16 : Gönnen das strömende
Wort,
Versé le verbe tumultueux,
strömende : fluvial ? torrentiel ?
___________________________________________________
III
v2 :
Halten den Mut
noch wir, Meister und Knaben, denn wer
Möcht es hindern und wer möcht uns die Freude verbieten ?
Retenons-nous encore cet élan, maîtres et élèves,
qui donc
Voudrait l’entraver et qui voudrait nous interdire la joie?
Mut : c'est le "courage", qui est ici traduit par élan, pour s'accorder à halten (retenir) et à hindern (entraver)
___________________________________________________
III
v11 : Drum ! Und spotten des Spotts
mag gern frohlockender Wahnsinn,
Drum an den Isthmos komm ! wo das offene Meer rauscht
Allons! viens à l’Isthme! là-bas au loin, où la pleine
mer rugit
Drum
: "C'est ça!" (c'est bien çà, mais oui, je t'assure,
allons!)
___________________________________________________
III
v17 : von wo / Thebe drunten und Ismenos rauscht
im Lande des Kadmos,
d'où / Monte la rumeur de Thèbes et rugit l’Ismène
au pays de Cadmos,
Nulle
"rumeur" dans le texte originel. Une des rares licences que je me permets,
par
ailleurs empruntée à Geneviève Bianquis.
drunten
: d'en bas ; d'en bas "bruit" Thèbes et le fleuve Ismène.
Le
choix du verbe "rugir" répond bien sûr ici à celui
qui est fait plus haut,
wo das offene Meer rauscht
où la pleine mer rugit.
___________________________________________________
IV
v15 : Vater ! Heiter !
Père! sérénissime !
Sérénissime!
Oui, cela est "excessif" ; serein est juste. L'usage de ce superlatif s'accorde
au ton exclamatif...
___________________________________________________
V
v1 : Unempfunden kommen sie erst, es
streben entgegen
Ihnen die Kinder, zu hell kommet, zu blendend das Glück,
Und es scheuet sie der Mensch,
Passage
très difficile à interpréter.
On
peut comprendre "Ils ne viennent que dissimulés, et seuls
les enfants vont à leur rencontre..."
(cf.
l'opposition Kinder <> Mensch)
D’abord
unempfunden
: "non ressenti"
Si
on ne ressent pas qu’ils viennent, c’est sans doute qu’ils se dissimulent.
Mais
cette cause n’est pas explicitée. (Et je préfère donc
la laisser non explicite.)
La
difficulté est dans la question de l’opposition, ou non, entre l’attitude
des enfants et celle des hommes.
L’homme
s’effraie de ce bonheur trop éblouissant. Mais les enfants ?
streben
: "s’efforcer d’atteindre, tendre à, ambitionner, viser à,
s’orienter vers"
(cf.
streben
zum Himmel : "s’élancer vers le ciel")
entgegen
: "contrairement à, à l’encontre de..." mais aussi : "vers..."
;
(cf.
entgegenarbeiten
: "s’opposer à..." et entgegenkommen : "se porter à la rencontre
de".)
Dans
es
streben entgegen ihnen die Kinder il ne faut donc pas comprendre "tendent
à se détourner d’eux les enfants"
mais
:
"Sans dès l’abord ressentir qu’ils viennent (eux, les célestes dont le jour descend parmi les hommes),Et n’est-ce pas seulement l’opposition Kinder <> Mensch qu’il faut entendre, mais aussi
les enfants [dans leur innocence ?] s’élancent à leur rencontre ;
[mais] le bonheur (de cette venue) est trop clair et éblouissant pour les hommes ;
[alors] ils (eux, les hommes) s’en effraient."
Encore une fois faut-il "prendre la parole comme elle vient" : entendre, dans le mouvement de la parole, la relation au mouvement propre à la perception poétique des événements, et non pas le produit d’une rationalité dominatrice.
Sans dès l’abord ressentir qu’ils viennent, s’élancent à leur rencontre / Les enfants,Par ailleurs, le erst de Unempfunden kommen sie erst peut être entendu avec la nuance de "seulement"
trop clair survient-il, trop éblouissant, ce bonheur, / Et s’en effraie l’homme...
Peut-on alors traduire ici :Denn, als sie erst sicht angesehen,
"ils s’étaient d’abord seulement considérés"
___________________________________________________
V
v5 : Aber der Mut
von ihnen ist groß,
Mais cet élan qui en vient est grand,
Mut
: c'est le "courage", qui est ici traduit par "élan",
cf. strophe III
Halten den Mut noch wir, Meister und Knaben, denn wer / Möcht es hindern
... ?
Retenons-nous encore cet élan, maîtres et élèves,
qui donc / Voudrait l’entraver ... ?
___________________________________________________
V
v17 : Tragen muß er, zuvor ;
"Doit-il le supporter, d’abord" ? Ici, l’inversion affaiblit l’expression.
Sans doute faut-il rendre muß avec énergie : il doit
avant
tout le supporter :
Il doit tout d’abord le supporter ;
___________________________________________________
V
v18 : Nun, nun müssen dafür Worte,
wie Blumen, entstehn.
Le
mot das Wort a deux sens, selon que son pluriel est
Wörtes
"les mots", ou Worte, "les expressions",
En
français, "des mots" disent parfois le même que "des paroles"
(cf. "un mot d’esprit", ou "il a eu des mots très durs") :
___________________________________________________
VI
v1 :
(V
- derniers vers)
nun aber
nennt er sein Liebstes,
Nun, nun
müssen dafür Worte, wie Blumen, entstehn.
mais maintenant
nomme-t-il son plus grand amour,
Maintenant, maintenant
doivent-ils pour cela, les mots, comme des fleurs éclore.
(VI - premier vers)
Und nun denkt
er zu ehren in Ernst
die seligen Götter,
Et maintenant
pensent-ils à honorer avec sérieux les dieux bienheureux,
___________________________________________________
VII
v7 : Aber das Irrsal
/ Hilft, wie Schlummer,
Mais l’égarement / Secoure, comme le sommeil,
En
référence à la traduction de Weil
den Irrenden sie geheiliget ist
cf. strophe II
Car aux égarés est-elle consacrée
Irrsal
est traduit ici par "égarement" plutôt que par "erreur".
___________________________________________________
VII
v18 : Welche von Lande zu Land
zogen
in heiliger Nacht.
Ceux qui de pays en pays traçaient
dans la nuit sacrée.
voir
la relative "pauvreté" du vocabulaire
zogen
: tirer, tracer, parcourir, etc.
___________________________________________________
VIII
v17/18 :
Darum
singen sie auch mit Ernst, die
Sänger, den Weingott / Und nicht eitel erdacht tönet dem Alten
das
Lob.
C’est pourquoi chantent-ils aussi avec sérieux, les chanteurs, le dieu du vin,cf. strophe VI v1
Et n’est pas vaine fiction, retentissant pour l’Ancien, la louange.
Et maintenant pensent-ils à honorer avec sérieux les dieux bienheureux,
Réellement et vraiment tout doit proclamer leur louange.
___________________________________________________
IX