commentaires : PAIN ET VIN

 
BROT UND WEIN     I

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I v1 :  Rings um ruhet die Stadt ; still wird die erleuchtete Gasse,
Peut-on traduire simplement par "À l’entour repose la ville" ?
mais "à l’entour" conduit à entendre "repose" comme indication spatiale : "poser là".
De plus, la forme réfléchie "se calme" correspond au 'devenir calme' de la rue (still wird)
et "se repose la ville / se calme la rue" fait entendre le parallèle rythmique :
ruhet die Stadt  / still wird die ... Gasse
                               À l’entour se repose la ville ; se calme la rue illuminée,
cf. : zu ruhen die Menschen,  "sont allés se reposer les hommes,"
      ruht der geschäftige Markt. "se repose le marché affairé."
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I v11 : Still in dämmriger Luft ertönen geläutete Glocken,
                                                                                            dämmriger : "crépusculaire"
      Calme dans l’air assombri résonne le carillon des cloches,
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I v14 :  Sieh! und das Schattenbild unserer Erde, der Mond, ...

Sans doute, dans Schattenbild, trouve-t-on Schatten et Bild, "une image d’ombre",
et l’image que son ombre donne d’une chose est sa silhouette... Peut-on traduire Schattenbild par "silhouette" ?
Mais un fantôme, le fantôme comme double, ne possède-t-il pas son rayonnement propre, contrairement à une silhouette ?
              Vois ! et le fantôme de notre terre, la lune, ...
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I v14 : Jetzt auch kommet ein Wehn ... der Mond, kommet geheim nun auch  ... die Nacht kommt,

On a choisi de ne pas traduire littéralement la réitération du verbe kommen.
On ne dit d'un vent qu'il "vient" que si l'on peut ajouter d'où il vient, et dire ici que la brise se "lève" s'accorde à l'irruption de la Nuit.
Quand la Lune "vient" dans le ciel visible, on la voit se "lever".
On dit couramment de la nuit qu'elle "tombe", mais l'opposition était ici incongrue entre la lune qui "se lève" et la nuit qui "tombe".
  À l’instant se lève aussi une brise... la lune, aussi se lève en secret à présent ... la nuit vient
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I v17 :
Un problème de ponctuation :
est-ce la nuit ou bien la lune qui est "bien peu soucieuse de nous" ?
"la nuit emplie d’étoiles et bien peu soucieuse de nous"
ou
"la nuit vient emplie d’étoiles, et, bien peu soucieuse de nous, la lune..."



BROT UND WEIN     II

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II v11 :   Weil den Irrenden sie geheiliget ist und den Toten,

J’ai d’abord traduit Irrenden par "déments"... (Irrenhaus : "asile d’aliénés")
irren, c’est "errer", être "dans l’erreur" aussi bien que dans "l’errance".
En définitive, désignant ceux dont l'esprit divaguent, aussi bien que les voyageurs ayant perdu leur chemin,
"égarés" est devenue pour moi la meilleure version :
                                            Car aux égarés est-elle consacrée, et aux morts,
                                                                                                                           cf. stropheVII v7
Mais pourquoi ne pas dire : "Car elle est consacrée aux égarés et aux morts" ?
La construction est ici : 'sujet - complément 1- verbe - et complément 2'.
Elle trouve d’ailleurs une autre illustration dans le vers précédent de la même strophe II :
        Ja, es ziemet sich, ihr Kränze zu weihn und Gesang,
        Oui, pour l’honorer vos couronnes lui conviennent, et les chants,
mais aussi dans la première strophe :
        Dort ein Liebendes spielt oder ein einsamer Mann
       Ferner Freunde gedenkt und der Jugendzeit ;
        Là-bas joue un amant, ou un homme solitaire
             D’amis lointains se souvenant, et de la jeunesse ;

Dans la construction choisie par Hölderlin, j’entends la parole épousant les mouvements de la conscience :
en quelque sorte comme une "retransmission en direct" de la façon dont les réalités extérieures se manifestent.
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II v16 : Gönnen das strömende Wort,
       Versé le verbe tumultueux,

                strömende : fluvial ? torrentiel ?



BROT UND WEIN     III

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III v2 :          Halten den Mut noch wir, Meister und Knaben, denn wer
                Möcht es hindern und wer möcht uns die Freude verbieten ?
                     Retenons-nous encore cet élan, maîtres et élèves, qui donc
                 Voudrait l’entraver et qui voudrait nous interdire la joie?

Mut : c'est le "courage", qui est ici traduit par élan, pour s'accorder à halten (retenir) et à hindern (entraver)

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III v11 :  Drum ! Und spotten des Spotts mag gern frohlockender Wahnsinn,

                    Drum an den Isthmos komm !  wo das offene Meer rauscht
                    Allons! viens à l’Isthme! là-bas au loin, où la pleine mer rugit

Drum : "C'est ça!" (c'est bien çà, mais oui, je t'assure, allons!)
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III v17 : von wo / Thebe drunten und Ismenos rauscht im Lande des Kadmos,
      d'où / Monte la rumeur de Thèbes et rugit l’Ismène au pays de Cadmos,

Nulle "rumeur" dans le texte originel. Une des rares licences que je me permets,
par ailleurs empruntée à Geneviève Bianquis.
drunten : d'en bas ; d'en bas "bruit" Thèbes et le fleuve Ismène.
Le choix du verbe "rugir" répond bien sûr ici à celui qui est fait plus haut,
                                                                wo das offene Meer rauscht
                                                           où la pleine mer rugit.
 


BROT UND WEIN     IV

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IV v15 :  Vater ! Heiter !
            Père! sérénissime !
Sérénissime! Oui, cela est "excessif" ; serein est juste. L'usage de ce superlatif s'accorde au ton exclamatif...
 



BROT UND WEIN     V

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V v1 : Unempfunden kommen sie erst, es streben entgegen
                Ihnen die Kinder, zu hell kommet, zu blendend das Glück,
            Und es scheuet sie der Mensch,
Passage très difficile à interpréter.
On peut comprendre "Ils ne viennent que dissimulés, et seuls les enfants vont à leur rencontre..."
(cf. l'opposition    Kinder <> Mensch)

D’abord unempfunden : "non ressenti"
Si on ne ressent pas qu’ils viennent, c’est sans doute qu’ils se dissimulent.
Mais cette cause n’est pas explicitée. (Et je préfère donc la laisser non explicite.)
La difficulté est dans la question de l’opposition, ou non, entre l’attitude des enfants et celle des hommes.
L’homme s’effraie de ce bonheur trop éblouissant. Mais les enfants ?
streben : "s’efforcer d’atteindre, tendre à, ambitionner, viser à, s’orienter vers"
(cf. streben zum Himmel : "s’élancer vers le ciel")
entgegen : "contrairement à, à l’encontre de..." mais aussi : "vers..." ;
(cf. entgegenarbeiten : "s’opposer à..." et entgegenkommen : "se porter à la rencontre de".)

Dans es streben entgegen ihnen die Kinder il ne faut donc pas comprendre "tendent à se détourner d’eux les enfants"
mais :

"Sans dès l’abord ressentir qu’ils viennent (eux, les célestes dont le jour descend parmi les hommes),
les enfants [dans leur innocence ?] s’élancent à leur rencontre ;
[mais] le bonheur (de cette venue) est trop clair et éblouissant pour les hommes ;
[alors] ils (eux, les hommes) s’en effraient."
Et n’est-ce pas seulement l’opposition Kinder <> Mensch qu’il faut entendre, mais aussi
la succession Kinder / Mensch / Halbgott ?
"à peine sait-il dire, un demi-dieu, / Sous quels noms ils paraissent,"

Encore une fois faut-il "prendre la parole comme elle vient" : entendre, dans le mouvement de la parole, la relation au mouvement propre à la perception poétique des événements, et non pas le produit d’une rationalité dominatrice.

Sans dès l’abord ressentir qu’ils viennent, s’élancent à leur rencontre / Les enfants,
trop clair survient-il, trop éblouissant, ce bonheur, / Et s’en effraie l’homme...
Par ailleurs, le erst de Unempfunden kommen sie erst peut être entendu avec la nuance de "seulement"
que nous trouvons dans LA MIGRATION (strophe 4) :
Denn, als sie erst sicht angesehen,
"ils s’étaient d’abord seulement considérés"
Peut-on alors traduire ici :
"Sans seulement ressentir..." ou   "Sans même ressentir qu’ils viennent,..."

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V v5 :    Aber der Mut von ihnen ist groß,
            Mais cet élan qui en vient est grand,
Mut : c'est le "courage", qui est ici traduit par "élan",
                                                    cf. strophe III
                                           Halten den Mut noch wir, Meister und Knaben, denn wer / Möcht es hindern ... ?
                                            Retenons-nous encore cet élan, maîtres et élèves, qui donc / Voudrait l’entraver ... ?

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V v17 : Tragen muß er, zuvor ;
            "Doit-il le supporter, d’abord" ? Ici, l’inversion affaiblit l’expression.
                    Sans doute faut-il rendre muß avec énergie : il doit avant tout le supporter :

                                                        Il doit tout d’abord le supporter ;
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V v18 : Nun, nun müssen dafür Worte, wie Blumen, entstehn.

Le mot das Wort a deux sens, selon que son pluriel est
Wörtes "les mots", ou Worte, "les expressions",
En français, "des mots" disent parfois le même que "des paroles" (cf. "un mot d’esprit", ou "il a eu des mots très durs") :
 


BROT UND WEIN     VI

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VI v1 :

(V - derniers vers)
                                                          nun aber nennt er sein Liebstes,
                   Nun, nun müssen dafür Worte, wie Blumen, entstehn.
                                                                mais maintenant nomme-t-il son plus grand amour,
                  Maintenant, maintenant doivent-ils pour cela, les mots, comme des fleurs éclore.

 (VI - premier vers)

                        Und nun denkt er zu ehren in Ernst die seligen Götter,
                        Et maintenant pensent-ils à honorer avec sérieux les dieux bienheureux,
 


  BROT UND WEIN     VII

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VII v7 :   Aber das Irrsal / Hilft, wie Schlummer,
                Mais l’égarement / Secoure, comme le sommeil,

En référence à la traduction de    Weil den Irrenden sie geheiliget ist         cf.  strophe II
                                                   Car aux égarés est-elle consacrée
Irrsal est traduit ici par "égarement" plutôt que par "erreur".

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VII v18 :  Welche von Lande zu Land zogen in heiliger Nacht.
                 Ceux qui de pays en pays traçaient dans la nuit sacrée.

voir la relative "pauvreté" du vocabulaire
zogen : tirer, tracer, parcourir, etc.



BROT UND WEIN     VIII

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VIII v17/18 :
Darum singen sie auch mit Ernst, die Sänger, den Weingott / Und nicht eitel erdacht tönet dem Alten das Lob.

C’est pourquoi chantent-ils aussi avec sérieux, les chanteurs, le dieu du vin,
Et n’est pas vaine fiction, retentissant pour l’Ancien, la louange.
cf. strophe VI v1
Und nun denkt er zu ehren in Ernst die seligen Götter, / Wirklich und wahrhaft muß alles verkünden ihr Lob.
Et maintenant pensent-ils à honorer avec sérieux les dieux bienheureux,
 Réellement et vraiment tout doit proclamer leur louange.




BROT UND WEIN     IX

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IX